C’est une enquête exceptionnelle rendue possible grâce à l’excellente collaboration de tous les services.
Comment peut se développer, sans qu’il soit détecté, un profil comme celui du tueur au scooter ?
C’est la pire des configurations. C’est ce qu’on appelle, dans notre jargon, un loup solitaire. Il n’appartient à aucune organisation ou filière terroriste. Il s’est autoradicalisé. Mohamed Merah est, avant tout, en proie à une fracture psychologique, familiale et sociale forte. Il a tout raté dans sa vie. A travers cette violence exacerbée, il a l’impression d’exister et le fait savoir. C’est aussi pour cela qu’il a autant parlé aux hommes du Raid alors qu’il était retranché dans son appartement.
Sa présence en Afghanistan en 2010, puis au Pakistan en 2011, a-t-elle été signalée aux services du renseignement français ?
Oui. Il a ensuite fait l’objet d’un traitement par les services. Il a été convoqué pour être entendu sur ses deux voyages. Il a expliqué à l’officier traitant de la direction régionale du renseignement intérieur qu’il était en vacances en Afghanistan et qu’il était parti chercher une femme pour se marier au Pakistan. Les services ont pris alors contact avec la Direction générale de la sécurité extérieure, présente en Afghanistan, et les relais étrangers notamment américains pour savoir si ce garçon avait pu être en contact avec une filière jihadiste sur place. La réponse était non. Après cette audition, il a fait l’objet d’une inscription au fichier des personnes recherchées. S’il franchissait une frontière ou qu’il était arrêté, même en France, l’information devait être rapportée aux services du renseignement.
Son cas n’a-t-il pas été traité trop simplement ?
Non. Chaque année, plusieurs dizaines de Français se rendent en vacances en Afghanistan ou au Pakistan. Nous portons évidemment une attention particulière aux ressortissants français qui se rendent dans ces pays. Mais, en disant cela, on va encore nous reprocher de fliquer tout le monde! La France est un Etat de droit. Suivre quelqu’un sur un laps de temps déterminé pour voir qui il rencontre et ainsi pouvoir identifier éventuellement un réseau ou une filière, c’est une chose. Une surveillance en permanence, ça n’existe pas et ce n’est pas légal.
Mohamed Merah aurait-il pu être identifié plus vite ?
Non! Il s’est seulement passé dix jours entre le premier assassinat et l’identification de son auteur. Tous les services étrangers nous félicitent de la rapidité de nos investigations. Comment vouliez-vous aller plus vite? Nous sommes partis d’un fichier regroupant près de 25 000 noms de personnes appartenant à des mouvements allant de l’ultradroite à la mouvance islamiste. Nous avons fini par aboutir à une liste d’une quinzaine d’identités dont celles des deux frères Merah.
Combien de fondamentalistes ont été identifiés en France ?
Plusieurs centaines. Je ne veux pas fournir de chiffres plus précis. Ce serait stigmatiser telle ou telle communauté et certaines précisions ne sont pas non plus toujours bonnes à fournir.
Existe-t-il d’autres profils comme celui du tueur au scooter en France ?
Certainement. Il ne faut surtout pas se dire que c’est fini mais être extrêmement attentif, travailler en gardant à l’esprit qu’il y en a d’autres et qu’il faut essayer de les repérer au plus vite.
Redoutez-vous qu’il fasse des émules ?
La peur ne nous protégera pas d’une nouvelle série de meurtres. Mais, oui, la possibilité de voir des personnes s’inspirer ou se revendiquer de ce qu’il a fait est tout à fait envisageable. Nous ne sommes sûrement pas à l’abri d’une nouvelle affaire Merah.