"Je suis fière de mon frère, il a combattu jusqu'au bout…" Depuis la diffusion, dimanche, par M6, d'un documentaire sur la famille Merah, la phrase de Souad, la sœur aînée du tueur de Montauban et Toulouse hante les parents des sept victimes. M es Samia Maktouf et Béatrice Dubreuil, avocates des familles de deux des militaires tués, ont demandé des poursuites contre Souad Merah pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise d'acte terroriste par fourniture de moyens". Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "apologie du terrorisme".
Pour faire baisser la pression, Me Christian Etelin, l'avocat de la jeune femme, a immédiatement réagi : "Ces propos ont été enregistrés à son insu, plaide-t-il , il s'agissait d'une discussion familiale… Souad Merah porte plainte pour atteinte à la vie privée, elle va bientôt s'expliquer. Elle voulait dire qu'elle est fière de sa résistance face aux hommes du Raid mais non de ses crimes." L'avocat, gêné, renchérit même : "Elle n'est pas antisémite. Elle a un médecin et un dentiste juifs…" Dans le reportage, Souad Merah, piégée par son frère Abdelghani, a pourtant déclaré : "Les juifs, et tous ceux qui massacrent les musulmans, je les déteste […] Les salafistes, ils agissent. Moi et [Abdel] Kader, on soutient les salafistes. Mohamed a sauté le pas. Je suis fière, fière, fière."
Sur la liste des salafistes à surveiller
Pour l'instant, Souad Merah vit terrée dans son appartement de la cité Bellefontaine à Toulouse. Né en Algérie, à Beni Slimane comme son frère Abdelghani, Souad Merah est arrivée en France avec sa mère en 1981, elle avait 3 ans. Âgée d'une dizaine d'années à la naissance, en 1988, de son petit frère Mohamed, les éducateurs relèvent qu'elle joue auprès de lui "le rôle d'une mère". La sienne est rapidement dépassée par sa vie en France. En 1992, à force de coups et de violences conjugales, Zoulikha Merah-Aziri se réfugie dans un foyer avec ses cinq enfants et demande le divorce. En 1995, une inspectrice de l'aide sociale à l'enfance remarque dans son rapport que "Souad a une grande autorité dans cette famille et a beaucoup d'ascendant sur sa mère".
Un an plus tard, un nouveau rapport sur la famille, diligenté par le ministère de la justice décrit "une jeune fille particulièrement belle, paraissant épanouie, très agréable, s'exprimant avec aisance et bien intégrée. Elle semble néanmoins vouloir garder son identité culturelle en suivant les coutumes de sa religion". À l'époque, la jeune femme vit à la maison sous l'emprise de ses deux frères Abdelkader et Abdelghani et d'un oncle. "Ils n'hésitent pas à dérouiller les deux sœurs [Souad et Aïcha] à la moindre incartade, raconte un éducateur , Aïcha a pris la tangente dès qu'elle a pu en s'installant dans un foyer relais, Souad s'est mariée avec un caïd de la cité."
Mariée à un trafiquant de drogue, la jeune femme fréquente alors plus les parloirs et les commissariats que les mosquées. Pourtant au début des années 2000, elle change radicalement de vie. Dans son procès-verbal d'audition, le 22 mars 2012, elle affirmait aux policiers : "La première à s'investir dans la religion, ce fut moi, puis il y a eu mes frères". Elle quitte son premier mari pour un homme plus pieux, qui sera d'ailleurs un des rares "frères" à enterrer Mohamed Merah. Dans son quartier, Souad Merah a la réputation d'être une "sœur" influente et redoutée. En 2010, elle s'est rendue en Égypte cinq mois en compagnie d'Abdelkader. Repérée par les services de renseignements, son nom figure d'ailleurs sur la liste des salafistes de Toulouse à surveiller. Devant les enquêteurs, l'aînée des filles Merah a affirmé aussi avoir tout ignoré des projets de son frère. "Il soutenait les moudjahidine […] Je pense qu'il pensait du bien de Ben Laden", s'est-elle contentée de déclarer. Dans son livre qui paraît cette semaine, Abdelghani Merah considère que "Kader et Souad [sont devenus] des figures centrales du salafisme toulousain". Abdelkader est incarcéré pour "complicité d'assassinat".